Essai clinique sur les tubes à volume réduit pour diminuer l’anémie et les transfusions (STRATUS)
Dre Deborah Siegal, MD MSc FCRPC, hématologue (thrombose), L’Hôpital d’Ottawa
Associate Professor, Département de médecine, Université d’Ottawa
Scientifique, Programme d’épidémiologie clinique, Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa
Les patients atteints de maladie grave admis aux Soins intensifs (SI) risquent beaucoup de souffrir d’anémie; en effet, 90 % d’entre eux en sont atteints à peine 3 jours après leur arrivée aux SI. Environ 40 % des patients qui y sont soignés reçoivent au moins une transfusion de globules rouges (GR) pour contrer l’anémie; dans la moitié des cas, les transfusions sont faites en l’absence de saignement actif. Tant l’anémie que la transfusion de globules rouges sont associées à des dénouements indésirables, dont une mortalité plus élevée et un séjour plus long aux SI et ailleurs dans l’hôpital.
Même si l’anémie est multifactorielle, les prélèvements de sang requis pour les analyses de laboratoires sont importants; ils requièrent des volumes de 41 mL/jour, soit plus de 200 mL par séjour aux SI. Cela équivaut au don d’une unité de sang après 8 jours passés aux SI. Chaque prélèvement supplémentaire de 150 mL fait doubler le risque de transfusion de globules rouges.
Toutefois, contrairement aux donneurs en santé, les patients admis aux SI sont incapables d’augmenter leur production de globules rouges pour compenser la perte de sang. Les transfusions de globules rouges constituent un traitement peu courant et coûteux associé à des risques connus; on considère donc comme une priorité clinique le fait de les réduire.
Les analyses de laboratoire, un élément contributif à l’anémie qui est modifiable, constituent une cible idéale, puisqu’à peine 10 % du sang prélevé sont nécessaires aux épreuves et que le resté est jeté. On s’inquiète toutefois avec raison des effets négatifs sur les analyses liés en particulier à la quantité suffisante de sang.
Nous avons procédé à un essai sur les tubes de prélèvement à volume réduit pour diminuer l’anémie et les transfusions (STRATUS) afin de voir si l’emploi de tubes qui prélèvent « automatiquement » des volumes d’échantillons moindres pour les analyses de laboratoire diminuait les transfusions de GR chez les patients admis aux soins intensifs (https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2810758). Ces tubes coûtent la même chose que les tubes standards et ils sont de même taille, de sorte qu’ils sont compatibles avec l’équipement de laboratoire; cependant, le vide y est moindre, et ils se remplissent jusqu’à un volume prédéterminé inférieur.
L’essai clinique randomisé a adopté une conception novatrice de permutations séquentielles sur des grappes (stepped wedge cluster) selon laquelle les unités de soins intensifs passaient des tubes standards aux tubes à volume réduit selon un calendrier aléatoire. L’essai STRATUS regroupait 25 unités de soins intensifs dans des établissements hospitaliers universitaires ou communautaires canadiens et a pu accumuler des données sur plus de 27 000 patients admis aux SI pour une durée minimale de 48 heures. L’utilisation des tubes à volume réduit pendant le séjour aux SI a diminué les transfusions de globules rouges d’environ 10 unités par 100 patients. Après le passage à des tubes à volume réduit, la diminution du taux d’hémoglobine pendant un séjour aux SI a été moins grande. Fait important, il n’y a eu aucun effet négatif lié à la quantité de sang moindre dans l’échantillon. Même si la pandémie de COVID-19 a eu un effet sur la conduite de l’étude et les analyses, les résultats dans leur ensemble justifient le passage à des tubes de prélèvement à volume réduit.
Les tubes à volume réduit ont été commandés sans modifier le cadre hospitalier actuel; après une courte formation ciblée, le personnel a commencé à s’en servir. Les patients hospitalisés ailleurs aux SI n’ont pas été inclus, ce qui constitue une limite. La réduction des pertes sanguines devrait cependant avoir des avantages à grande échelle, puisque le volume de sang supplémentaire n’améliore pas les soins et peut même être préjudiciable. Les stratégies de mise en œuvre peuvent varier dans d’autres contextes.
Même si le passage à des tubes à volume réduit n’a eu qu’un faible effet sur les patients individuels, une mise en œuvre à grande échelle pourrait avoir des répercussions importantes sur les systèmes de santé et l’approvisionnement en sang. Dans l’essai STRATUS, plus de 36 000 transfusions de globules rouges ont été faites en moins de 2 ans; le recours aux tubes a volume réduit a permis d’économiser environ 1500 unités de sang. Les efforts visant à maintenir les provisions de produits sanguins sont essentiels pour assurer leur disponibilité en temps utile, surtout au cours des pénuries que vit en ce moment le Canada.
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