Juin 2018

Vers un protocole provincial de gestion des hémorragies massives

Par Stephanie Cope, Coordonnatrice administrative de projet, RRoCS

Tous les patients ontariens, y compris ceux qui sont en hémorragie massive, méritent des soins de qualité, équitables et coordonnés. Des études antérieures ont fait état d’une grande variabilité des divers volets des protocoles de gestion des hémorragies massives (PHM) entre les établissements. Pour comprendre les pratiques ontariennes, un sondage a été acheminé le 30 novembre 2017 aux directeurs médicaux ou chefs de services de médecine transfusionnelle (SMT) de tous les hôpitaux ontariens qui en étaient dotés* (n=150) afin de déterminer la proportion des hôpitaux qui avaient un PHM structuré mis en œuvre et les éléments de ces protocoles. Les questions du sondage étaient regroupées en diverses catégories : données démographiques de l’établissement, critères d’activation du protocole, communications, équipes, prélèvements sanguins, analyses de laboratoire offertes, gestion de la température du patient, transport, médecine transfusionnelle et mesure de la qualité.

Le taux de réponse au sondage a été de 100 %; au total, 132 hôpitaux ont rempli tout le sondage (17 hôpitaux ont répondu verbalement qu’ils n’avaient pas de PHM, et une réponse partielle a été reçue).

Quatre-vingt-dix-sept hôpitaux (65 %) avaient un PHM en place, mais une grande variation entre les pratiques a été observée. On a relevé au moins dix noms différents pour désigner le PHM, « protocole de transfusion massive » étant le plus courant; il est employé dans 68 % des hôpitaux. Un des principaux objectifs de l’initiative provinciale est d’éliminer la confusion découlant de la mise en place de multiples protocoles dans les établissements de santé ontariens, puisque bien des professionnels de la santé (p. ex. stagiaires en médecine) doivent travailler dans divers hôpitaux.

La méthode la plus fréquente d’activation du protocole était un appel à l’hôpital à 87 %, suivi d’un appel au laboratoire de médecine transfusionnelle dans 78 % des hôpitaux.

Les éléments déclencheurs du PHM sont très diversifiés, notamment :

  • Volume de sang perdu (70 %)
  • Nombre d’unités de globules rouges transfusés (60 %)
  • Instabilité hémodynamique (32 %)

Les analyses de sang habituellement faites pendant le protocole comprennent les suivantes :

  • FSC
  • Temps de Quick
  • TTPa
  • Fibrinogène
  • Électrolytes
  • Typage et dépistage
  • Créatinine
  • Lactate
  • Gaz sanguins
  • Calcium ionisé et calcium

Quatre hôpitaux ajoutent aussi une analyse de thromboélastométrie rotative (ROTEM) (même si l’analyse était possible dans neuf hôpitaux), alors qu’aucun établissement n’a recours à la thromboélastographie (TEG) dans son protocole (malgré sa présence dans deux hôpitaux).

Les épreuves de fibrinogène étaient possibles dans 66 % des hôpitaux.

La surveillance de la température du patient fait partie de 65 % des protocoles; l’emploi de couvertures chauffantes est la méthode la plus fréquente (61 %) utilisée pour atteindre la normothermie.

La plupart des hôpitaux déclarent qu’ils transportent les globules rouges et le plasma dans des contenants validés pour maintenir des températures acceptables, alors que seulement 33 % des plaquettes émises et 29 % du cryoprécipité émis sont transportés dans des contenants validés. Les composants gardés à des températures d’entreposage acceptables peuvent être remis en stock s’ils ne sont pas utilisés, ce qui peut aider à diminuer le gaspillage.

Un écart important est constaté quant au transfert interne de produits et d’échantillons, puisqu’à peine 33 % des hôpitaux ont recours à des porteurs pour accomplir cette tâche.

Dans 36 % des hôpitaux, des globules rouges de groupe O Rh négatif sont administrés à tous les patients dont le groupe sanguin est inconnu. Dans les autres, on administre des globules rouges de groupe O, Rh négatif aux patients suivants :

  • Femmes âgées de moins de 45 ans (60 %)
  • Patients ayant des antécédents d’anti-D (27 %)
  • Femmes âgées de moins de 50 ans (20 %)
  • Tous les enfants (14 %)
  • Femmes en âge d’avoir des enfants (11 %)
  • Femmes âgées de moins de 46 ans (5 %)

Cinquante-neuf hôpitaux mentionnent se servir d’ensembles préparés de sang en fonction du trauma; la plupart se servent d’un premier ensemble contenant quatre unités de globules rouges seulement, sans plasma, plaquettes, ni cryoprécipité (ratio 4:0:0:0). Le contenu des ensembles subséquents varie énormément.

L’acide tranexamique (TXA) faisait partie de 70 % des PHM.

Selon le sondage, 69 % des hôpitaux dotés d’un PHM ne font aucun suivi de qualité. Les 31 % des établissements qui font un tel suivi le réservent à des cas particuliers.

Un groupe multidisciplinaire d’experts de divers secteurs – urgentologie, traumatologie, soins intensifs, obstétrique, pédiatrie, anesthésiologie, hémostase, médecine transfusionnelle, transport préhospitalier, soins infirmiers et patients, entre autres, a fait un exercice par technique Delphi. L’exercice avait comme objectif de formuler des recommandations consensuelles à inclure dans la documentation provinciale sur les PHM. Les résultats du sondage et la littérature à l’appui des recommandations ont été présentés au forum des comités transfusionnels du RRoCS le 20 avril dernier. La présentation se trouve en ligne à https://transfusionontario.org/fr/documents/?cat=transfusion-committee-forum.

Nous savons bien qu’un modèle universel ne conviendra pas à tout le monde, mais nous savons aussi que les protocoles normalisés sont efficaces. C’est pourquoi nous travaillons à l’élaboration d’un protocole provincial à multiples volets qui regroupera politique, procédure, feuille de vérification, matériel de formation et de perfectionnement, entre autres choses, et qui pourra servir dans les grands hôpitaux comme les petits établissements, auprès des adultes et des enfants.

Le RRoCs tient à remercier tous les hôpitaux qui ont participé au sondage; c’est grâce à cette collaboration que nous pouvons faire notre travail. Merci aussi à Victoria Chin, au Dr Calvin Yeh et aux membres de notre groupe d’experts pour leur dévouement; merci enfin – et surtout – aux Dres Jeannie Callum et Katerina Pavenski qui nous ont dirigés dans cette initiative provinciale.

* Établissement doté d’un laboratoire de médecine transfusionnelle agréé qui reçoit directement de la Société canadienne du sang des composants ou produits sanguins et qui peut aussi entreposer et gérer ou administrer seulement des composants et produits sanguins pour un autre établissement.

Camp d’entraînement Sang difficulté pour le personnel infirmier : du labo au chevet du patient

Par Leonor De Biasio, IA, BScN CPN (c), coordonnatrice de projets cliniques, spécialiste en sécurité transfusionnelle, RRoCS

Dans les établissements de santé, la transfusion est un traitement courant auquel le personnel infirmier participe activement. En Ontario, la formation de base sur les transfusions commence habituellement à l’école de sciences infirmières et devrait se poursuivre tout au long de la carrière du personnel infirmier. Les infirmières et infirmiers en première ligne soulignent que cette formation est minimale et surtout autodirigée. Plusieurs études soulignent que le personnel infirmier doit approfondir ses connaissances et compétences en médecine transfusionnelle pour s’acquitter de ses tâches avec efficacité et sans danger.

Les cliniciens ontariens spécialisés en médecine transfusionnelle (MT) ont remarqué que le personnel infirmier a une grande influence au quotidien dans son milieu de travail. Pour mettre en place des pratiques optimales en MT et changer la culture, des séances de formation ciblant le personnel infirmier ontarien aideraient à approfondir les connaissances en MT. En 2017, le Réseau régional ontarien de coordination du sang (RRoCS) s’est penché sur le besoin de formation en MT du personnel infirmier ontarien. Cette réflexion a mené à la formation d’un groupe de travail qui a participé à l’élaboration d’une vidéoconférence pilote de quatre heures destinée à un auditoire d’infirmières et d’infirmiers de toute la province. La vidéoconférence a été diffusée le 26 mars dernier, sans frais pour les participants.

Le groupe de travail et les conférenciers comprenaient des coordonnateurs de gestion du sang des patients, des responsables de la sécurité transfusionnelle, des médecins spécialisés en médecine transfusionnelle et une coordonnatrice des projets cliniques du RRoCS, aussi infirmière spécialisée en sécurité transfusionnelle. Ces experts ont élaboré une activité de formation qui permet d’enrichir les connaissances et d’améliorer les compétences en médecine transfusionnelle du personnel infirmier ontarien. Voici les sujets abordés :

  • Épreuves prétransfusionnelles : À quelle vitesse pouvons-nous obtenir du sang?
  • Lignes directrices transfusionnelles : moins, c’est mieux
  • Meilleurs pratiques : optimisation de l’hémoglobine
  • Démarche d’administration : consentement éclairé, préparation du patient et procédures d’administration
  • Reconnaissance, prise en charge et prévention des réactions transfusionnelles et des erreurs

Le camp d’entraînement Sang difficulté pour le personnel infirmier : du labo au chevet du patient a non seulement enrichi les connaissances et les compétences du personnel infirmier ontarien, mais il leur a donné l’occasion d’interagir avec des experts en médecine transfusionnelle de toute la province à partir de leur propre établissement, grâce aux capacités de webdiffusion du Réseau Télémédecine Ontario (RTO).

Avant l’événement, un questionnaire d’évaluation des connaissances et un formulaire d’inscription ont été distribués par LimeSurveyMC aux personnes-ressources des laboratoires et à la direction des équipes de soins infirmiers de l’ensemble des hôpitaux ontariens. Cinq-cent-sept (507) personnes se sont inscrites. Au moment de la vidéoconférence, 59 établissements s’y sont joints par le RTO, et 23 groupes se sont prévalus des capacités de webdiffusion à partir de leur domicile ou de leur bureau. Après l’activité, on a distribué à tous les participants un questionnaire de post-évaluation des connaissances qui reprenait les dix questions posées avant l’activité et un sondage d’évaluation de l’activité; tous les répondants avaient droit à un certificat de participation. Quatre-vingt-douze (92) répondants ont reçu le questionnaire de post-évaluation et le sondage d’évaluation de l’activité et ont rempli les documents. La distribution de ces documents par LimeSurveyMC a posé problème, puisqu’il y a eu plusieurs échecs de transmission des courriels. Ces échecs s’expliquent par des rejets pour des raisons de sécurité des serveurs des hôpitaux ou par la transmission d’adresses courriel erronées au moment de l’inscription.

Selon les données colligées à partir de l’évaluation des connaissances avant et après l’activité :

  • 57 % des participants ont répondu correctement aux questions de pré-évaluation
  • 75 % des participants ont répondu correctement aux questions de post-évaluation

Les données qui suivent font état de résultats importants de l’évaluation de l’activité.

Évaluation globale de la vidéoconférence :

  • Excellente 34 % (31)
  • Très bonne 48 % (44)
  • Bonne 4 % (4)
  • Neutre 2 % (2)
  • Mauvaise 1 % (1)

Changement à la pratique après cette vidéoconférence :

  • Très probable 58 % (53)
  • Probable 25 % (23)
  • Peu probable 7 % (6)

Thèmes suggérés pour l’avenir : Hémorragie massive, pédiatrie, réactions transfusionnelles

Les données collectées montrent de toute évidence que cette formation est essentielle et que le personnel infirmier réclame une formation continue en MT. J’aimerais remercier le MSSLD de l’Ontario de son appui; le RUS, le NBRHC et le LHSC qui ont été des sites hôtes, les membres du groupe de travail et les conférenciers qui ont consacré bénévolement temps et efforts à la réussite de cet événement. Merci enfin à tous les professionnels de la santé qui se sont intéressés à cette vidéoconférence et qui y ont participé.

Si vous n’avez pas reçu le lien vers l’évaluation des connaissances après l’activité, l’évaluation de la vidéoconférence ou votre certificat, veuillez communiquer avec : leonor.debiasio@sunnybrook.ca.

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